Musique d'ambiance''Je ne l'avais jamais encore jamais vu avec une mine aussi sombre. Et je crois que je n'avais pas bien saisi à cet instant – et que je n'aurais de toutes façons jamais l'occasion de réellement comprendre, n'étant tout simplement pas à sa place – toute la symbolique de son geste. Son être tout entier était aussi sombre que les cendres à ses pieds. Les quelques flammes restantes éclairaient à peine ses prunelles d'un bleu si terne qu'il aurait été plus juste de le qualifier de gris. Cela faisait un moment déjà qu'elle demeurait là immobile. Depuis le début du brasier à vrai dire. Elle s'était juste déplacé de temps à autre pour empêcher une braise volatile d'aller foutre le feu à tous les arbres aux alentours. Puis après avoir empêché le début d'un nouveau foyer de flammes d'un coup de talon, elle revenait à la même place et reposait son regard totalement vide sur le bâtiment en flammes.
Je vis bien sa main glisser dans sa poche à un moment, mais elle la retira aussitôt avec une rare violence, comme si elle avait touché quelque chose de piquant ou de brûlant. Je savais très bien ce qu'il y avait à cet endroit-là et ce n'était en rien désagréable au toucher. Mais je ne fis pas de commentaires. Je n'ai pas osé l'interpeller, pas même m'approcher d'elle. C'était à peine si je respirais, tant j'avais envie de me faire oublier, ne sachant où me mettre dans telle situation. Je pense que n'importe quel geste ou mot de ma part aurait été de trop, ou tout du moins, n'aurait absolument rien changé. Je ne l'avais pas encore vu aussi profondément désespérée et triste, mais le peu de fois où je l'avais vu frôler un tel état, aucune des choses que j'avais tenté n'avait réussi à la tirer de là.''
''Elle demeura encore un peu de temps face au tas de cendres, même si le brasier était bel et bien éteint depuis un moment et que plus aucune flamme ne persistait à briller sur le tapis grisâtre qui recouvrait la terre. Puis soudainement, elle fit demi-tour sur elle-même, prononça mon nom d'une voix aussi dure et glaciale que le marbre, et s'enfonça dans la forêt sans même se retourner. Le tas de cendres derrière elle signifiait sans doute que tout ça était désormais de l'histoire ancienne. Mais son visage étiré en un rictus de douleur et ses mains tremblantes disaient que rien n'était vraiment terminé, malgré son désir évident d'en finir avec ça. Et je n'ai rien trouvé de judicieux à ajouter. J'étais de trop dans ce paysage qui ne m'était pas familier. Les jours qui ont suivi, Sora est demeurée très silencieuse et renfermée sur elle-même. Elle parlait seulement par nécessité. Je ne sais plus ce qui a fait que son état s'est amélioré. Je ne me rappelle plus non de ce qui l'a poussé à revenir sur les lieux. Je crois qu'elle n'est pas si forte qu'elle veut le faire croire, ni stupide. Elle a dû se faire une raison. Tant mieux d'ailleurs.''La blonde avançait d'un pas tranquille à travers les chênes imposants qui composaient la forêt. Ses bottes bruissaient doucement dans l'herbe humide. Elle était suivie par une ombre, dont les pas ne faisaient eux, aucun bruit. Après quelques détours, elle parvinrent dans une clairière, à l'entrée de laquelle elles s'immobilisèrent toutes les deux. Sûrement parce que c'était une bien étrange clairière. La terre à cet endroit n'était pas recouverte d'une herbe verdoyante et fraîche, mais plutôt d'un tapis de poussière grisâtre et affreusement triste. L'ombre attarda son regard sur l'étrange couleur du sol, et sursauta lorsqu'elle vit du coin de l'œil sa compagne tomber à genoux à quelques pas devant elle. Elle allait pour poser sa main sur son épaule, mais c'est en avançant vers elle qu'elle se retint, comprenant la raison de sa chute.
« Tu crois Falka... » hasarda d'une voix tremblante la jeune femme aux cheveux d'or,
« que quelque chose de bien plus fort que moi essaye de me dire... que la lutte est vaine ? »L'ombre croisa les bras catégoriquement, ce que ne vit pas la jeune femme, étant dos à elle. De ce fait, elle ne vit pas non plus le léger sourire plein d'espoir de la silhouette sombre.
« Je crois au destin et au hasard. C'est déjà pas mal. »La blonde secoua les épaules : elle s'était sûrement retenu de rire. Falka, en écoutant mieux, comprit qu'elle venait en fait de se mettre à sangloter mais qu'elle tentait de le cacher. Sachant à quel point cela était une démonstration de faiblesse, elle fit mine de ne pas y faire attention. De n'avoir pas remarqué. Elle demeura silencieuse, regardant un peu partout ailleurs, laissant le temps à la blonde de se calmer. Mais elle sursauta en entendant un bruit métallique caractéristique. La jeune femme venait de se lever et de sortir son épée de son fourreau. Elle fit un pas en avant, les yeux écarquillés, prête à l'empêcher de commettre l'irréparable. Mais s'arrêta en comprenant que ce n'était pas là son intention. D'un geste vif, elle planta la lame dans le sol, au milieu de la clairière, et demeura un petit moment appuyée sur son manche, les mains fermement cramponnées à ce dernier. Et comme la dernière fois, elle tourna les talons, et après avoir interpellé l'ombre, s'enfonça dans la forêt. Mais cette fois, c'était différent. Falka le savait. Elle avait quitté la clairière beaucoup moins précipitamment que la dernière fois, et n'était pas partie le visage crispé. Elle avait même cru entrapercevoir un sourire. Et cette fois, avant de la suivre, l'ombre s'approcha de la lame. Elle posa un genou à terre et dans un geste solennel où elle joignit ses deux mains, répéta mot pour mot ce qu'elle avait entendu de la bouche de la blonde il y a quelques dizaines de secondes.
« A lube melfa's wolgnig in eth skraneds. A lube melfa's langdei ymtaph. À bientôt donc. »Elle sourit et se releva en faisant demi-tour, commençant à rejoindre la jeune femme. Mais avant de quitter la clairière, elle jeta un bref regard en arrière. Et elle sourit en voyant danser juste devant l'épée plantée dans la terre, guidée par une légère brise, la belle fleur aux pétales bleu ciel. Et à onduler ainsi sous le vent, il lui sembla de loin, alors qu'elle jetait un énième coup d'œil au-dessus de son épaule, que la fleur ressemblait davantage à une petite flammèche bleue.