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 Le conte du traître | Allen & Herzevan

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MessageSujet: Le conte du traître | Allen & Herzevan   Le conte du traître | Allen & Herzevan EmptyJeu 13 Juil - 22:18


« C’est de la confiance que nait la trahison » proverbe arabe
Twisted mind — The Beginning

Étendue sur le lit au milieu de la pièce sombre et miteuse, j’entendais son souffle rauque s’extirper péniblement de ses lèvres. Hésitant, je n’osais pas bouger. Demeurant au pied de la porte, je fixais la silhouette de ma mère qui, parfaitement immobile, était recouverte d’un simple drap crasseux et déchiré par endroits. Ses deux bras, maigres et gris cadavérique, ballotaient sur les côtés de son lit, comme des rubans qui se laissaient transporter au vent. En somme, on pouvait facilement la croire morte, si ce n’était pas de ses expirations stridentes qui retentissaient bruyamment à l’intérieur de la chambre. Sans aucun doute désormais, elle n’en avait manifestement pas pour très longtemps, mais j’étais un peu nerveux de constater de mes propres yeux à quel point son état s’était dégénéré. Je n’étais pas optismite, je savais quel sort lui était réservé. Ce n’était qu’une question de jours, peut-être même de quelques heures avant qu’elle ne succombe à ces maux. Pourtant, au fond de moi, j’étais terrifié de me résigner si aisément à la mort prochaine de celle qui m’avait donné vie, comme si la prévision d’une existence sans elle m’était tout à fait normale. Sauf que je ne pouvais vraisemblablement pas supporter le poids de son décès pour le restant de mes jours, non? Je secouai la tête, lâchant un petit rire face à l’évidence. La réponse que je cherchais était si simple que je me sentais ridicule d’avoir hésité, d’avoir pensé un seul instant au contraire. Le monde était cruel. Trop cruel pour qu’il puisse me laisser l’occasion de pleurer ou de faire mon deuil. Chaque moment était crucial quand on vivait dans un tel misérable trou à rats : je ne pouvais pas me montrer faible, je ne pouvais pas me laisser distraire une seule seconde sans risquer la mort moi aussi. Et je ne voulais absolument pas mourir, pas maintenant.

« Allen? »

Sa voix retentit comme un murmure dans la noirceur, et malgré tout, je sursautai brusquement, pris de court. Muet, je baissai les yeux sans oser faire un seul pas. Elle toussa, puis j’entendis le lit craquer alors qu’elle tentait péniblement de se redresser à l’aide de ses seuls bras frêles. Dans son geste, elle retenait à grand-peine ses gémissements de douleur. Toutefois, elle parvint à s’appuyer contre le mur derrière son dos, à bout de souffle.

« C’est toi Al? »

J’expirai profondément.

« Oui.

- Approches-toi, j’ai à te parler. C’est important. »

Sans un mot, j’avançai jusqu’au pied du lit. Une fois rendu près de celui-ci, j’eus droit à une vue d’ensemble sur le corps ravagé de ma mère. Le visage blême, de grosses cernes noires pendaient sous ses yeux éteints. De la sueur coulait abondamment de son front, ses lèvres, sèches et craquelées, étaient parsemées de tâches de sang frais et ses jambes ressemblaient désormais à des cailloux, aussi durs et gris que la roche elle-même. Yseult n’était plus qu’un cadavre ambulant, comme si son esprit l’avait depuis longtemps abandonné pour échapper à la souffrance que subissait le corps torturé par la maladie. Consterné, je grimaçai. Je m’étais préparé à la voir en mal, mais son état s’était empiré plus vite que je le pensais.

« Je suis contente de te voir. Marmonna-t-elle en tournant la tête. Comment vas-tu? »

Gêné, je ne dis rien, parfaitement conscient qu’elle connaissait déjà la réponse à cette question. Elle sourit, mais son sourire était forcé, presque douloureux, plus semblable à une vulgaire grimace qu’à une véritable manifestation de bonheur. Et voyant que je m’entêtais à rester muet, ma mère leva la main pour venir caresser tendrement mon visage, le regard fatigué mais résolu.

« Tu te doutes que je n’en ai plus pour très longtemps, pas vrai? Commença-t-elle. Ça t’inquiète? »

Incertain de la réponse à choisir, je finis, lentement, par hocher de la tête.

« M’en voilà sincèrement navrée. Lâcha-t-elle en soupirant. Tu ne dois pas t’en faire pour moi, d’accord? Peu importe le sort que les Dieux me réservent dans l’au-delà, je serais toujours là pour toi Al. Ne l’oublie jamais. Sois fort, et quand je serais parti, ne pleure surtout pas. Promets-le-moi.

- Je te le promets.

- Bien. »

Puis plus rien. Le calme envahit brusquement à la pièce comme si on venait d’y jeter une malédiction. Seulement, il était entrecoupé par les râles de la malade qui peinait de plus en plus à respirer.

« C’est tout ce que vous vouliez me dire? » Posai-je finalement pour briser le silence angoissant qui dominait en maître incontesté.

Être dans cette chambre me rendait si nerveux, si mal à l’aise, que je n’avais plus qu’un souhait en tête : déguerpir le plus vite possible de cet endroit. C’était insupportable de regarder sa mère s’éteindre ainsi à petit feu, rongée par une maladie sans remède qui l’entraînait inexorablement vers les bras de la Faucheuse.

« À vrai dire, je voudrais que tu me promettes autre chose. C’est ma dernière requête, mais c’est la plus importante d’entre toutes. »

Curieux, je lui décrochai un regard interrogateur.

« Écoute-moi bien : c’est à propos de petit frère. Je sais que Van a la mauvaise habitude de se mettre dans le pétrin et chercher les conflits pour toute sorte de raisons… Mais peux-tu me promettre de veiller sur lui pour moi? Il est encore jeune, et il a besoin de quelqu’un pour le protéger et le guider vers la bonne voie. Promets-le moi Al, je t’en supplie.

- Bien sûr. Je te le promets. »

Elle se mit alors à pleurer, versant un flot intarissable de larmes de joie qui n’en cessaient de couler, encore et encore. Pour la première fois depuis deux longues années, Yseult paraissait si paisible, si comblée.

« Merci, Al. Merci… »
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MessageSujet: Re: Le conte du traître | Allen & Herzevan   Le conte du traître | Allen & Herzevan EmptyMer 19 Juil - 15:47


« C’est de la confiance que nait la trahison » proverbe arabe
Twisted mind — Another perspective

Quatre jours plus tard…

Le silence qui régnait sur les lieux semblait irréel et fragile, comme si à tout instant, il se romprait. Aussi éphémère que trompeur, à la manière d’une cruelle illusion, il persistait à dominer l’enceinte sombre prise en ces quatre murs. Telle une provocation, une moquerie pour souffler l’idée qu’il était plus solide, plus résistant qu’il ne le songeait, il refusait de partir. Les doigts tremblants, Van avança lentement sa main vers l’épaule de sa mère malade, qu’il effleura avant de se l’éloigner à toute vitesse, comme s’il s’était fait piqué par une aiguille empoisonnée. Puis, son corps entier rejoignit les tremblements de ses paumes, plus violents et brusques. Confus, le jeune garçon se replia sur lui-même en serrant fermement ses genoux entre ses bras maigrelets, tentant vainement de maîtriser les secousses qui l’assaillaient, désespéré. Il ne pouvait y croire, il ne voulais pas accepter cette fatalité qui se montrait pourtant ouvertement devant ses grands yeux terrifiés, imbibés de larmes qu’il retenait à grand-peine pour un garder un minimum de convenance face à la réalité qu’il niait tout en bloc. Pourquoi se retenait-il de pleurer? Il n’y avait aucune raison d’être triste ou affligé. Aucune… Aucune… Il en avait assez : il n’avait plus envie de continuer à regarder. Pourtant, ses prunelles azurées étaient incapable de se détacher de la vision qu’il avait juste devant lui. C’était de la torture, cruelle et sans aucune pitié, comme si un sort le forçait à gravir l’image le plus fidèlement possible dans son esprit qui se retenait difficilement d’éclater en morceaux.

Il devait croire – oui, croire – que son raisonnement était juste, véridique, peu importe ce que lui criait ses instincts. La poitrine d’Yseult ne se soulevait plus, mais il faisait sombre ici, beaucoup trop sombre pour que ses yeux puissent y voir précisément. Quoi qu’il n’ait jamais eu de problème à voir dans le noir avant, mais cette fois, sa vue lui jouait forcément des tours. Sa mère ne parlait plus – elle s’était interrompue plutôt brusquement d’ailleurs – mais elle s’était probablement endormie d’épuisement comme ça lui arrivait si souvent. Et puis, lorsqu’il l’avait touché, sa peau était peut-être dure et grise, mais ce n’était si inhabituel quand on pensait à sa maladie, non? …Non? L’Ashryne secoua vivement la tête. Il se trompait, c’était certain. S’il appelait, Yseult se réveillerait pour lui demander si tout allait bien, et il répondrait que oui, évidemment, tout en ajoutant qu’il ne s’était pas battu aujourd’hui, comme il lui avait promis. Elle sourirait, puis lui demanderait de se rapprocher pour qu’elle puisse lui embrasser le front. Mais c’était mal de perturber le sommeil de quelqu’un, encore plus si le concerné était malade. Elle méritait de se reposer. Le mieux pour elle serait sans doute qu’il quitte la chambre pour éviter de la déranger, mais le garçon hésitait : quelque chose le poussait à rester. Il voulait s’assurer d’un fait qui, ignorant sa volonté, le tenaillait avec une seule petit pensée malfaisante. Il se mordit la lèvre inférieure, partagé entre plusieurs sentiments inexorablement opposés. Devait-il répondre à son désir ignoble ou le repousser? Il déglutit, transi de crainte et de peur, mais son choix était fait. Au fond, il voulait juste se prouver qu’il avait tort.

« Maman? » Chuchota-t-il entre ses lèvres pincées.

Aucune réaction. Van n’avait pas dû parler assez fort.

« Maman? T’es réveillée? »

Sa voix résonna avec plus de portée, mais n’obtint toujours rien en retour. Une larme rebelle coula sur sa joue.

« Maman, réveille-toi! »

Elle ne broncha pas. Se levant brusquement, il fit tomber sa chaise alors qu’il se précipitait au chevet d’Yseult en pleurant. Il secoua son corps dur en le tenant solidement par les épaules. Empoisonnée par le venin de l’appréhension, les tripes serrées à l’intérieur de son estomac, il continua d’hurler à gorge déployée.

« Maman, réveille-toi! Je t’en supplie! »

Sa peau était froide sous ses doigts. Trop froide. Aveuglé par ses larmes, l’enfant essuya ses yeux mouillés, et la vision qui se présenta devant lui le paralysa d’effroi. Le visage d’Yseult était figé, prisonnier dans une hideuse grimace douloureuse, comme si elle suffoquait, et son regard de pierre le fixait avec horreur et éprouvante. Frappé par le choc et la terreur, Van s’enfuit au pas de course de la pièce, brisé, écrasé par le poids insurmontable de la cruelle réalité.

Sa réalité.
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